
Pour répondre à cette question, nous avons rencontré quatre community managers d’institutions publiques. Sylvain Gibey (ville de Tours), Anne-Sophie Ply (ville de Nantes) et Pierre Labrunie et Charles Signol (ville de Bergerac). Ensemble, ils nous dressent un portrait de l’intérêt de passer face cam’, des conditions de réussite pour y parvenir… et de la manière dont ils gèrent leur nouvelle notoriété !
Réinventer les narrations à l’heure des influenceurs
Qu’est-ce qui, tout d’abord a bien pu piquer nos CM pour qu’ils décident un jour de passer de l’autre côté de la caméra ? À l’unanimité, ils nous répondent suivre finalement une tendance observée dans les médias et chez les influenceurs. « Je m’inspire beaucoup des contenus du Monde, explique Sylvain Gibey. Leurs journalistes sont passés de l’autre côté de la caméra. Et je me suis rendu compte que quand ils le faisaient, j’avais tendance à mieux retenir le message ».
Du côté de la ville de Bergerac, on assume l’envie de « s’amuser et créer de la proximité avec les habitants. Incarner permet d’instiller de l’humour ».
Du côté de Nantes, l’idée est venue progressivement. « J’ai commencé l’incarnation par la voix off, explique Anne-Sophie Ply. Et puis j’ai eu envie de tester de nouveaux formats, des vidéos qui me plaisaient et correspondaient à ma propre conso. Et pour tout dire, je trouve ça assez passionnant de passer de diffuseur de message à véritable créateur de contenu ».
Voici donc ces quelques CM passés devant la caméra. Micro au poing, ils se filment désormais au format vertical et se rendent compte assez vite du succès de leurs vidéos.
« Dès qu’on se met en scène, analyse Sylvain Gibey, cela permet une meilleure rétention. Cela crée du lien, du spontanée, de l’authentique. » « Quand on revoit systématiquement un même personnage, les gens ont tendance à s’identifier, confirme la ville de Bergerac. »
Légèreté et pertinence
Mais alors, sur quels sujets peut-on prendre la parole face caméra, quand on est CM de son institution ? Un point commun entre tous les professionnels que nous avons interrogés : les sujets culture et patrimoine.
« On a commencé par des vidéos en mode POV pour faire découvrir le théâtre Graslin, explique la social media manager de Nantes. Aujourd’hui, on a fait évoluer le format, pour raconter par exemple les noms des rues. C’est des sujets qu’on a choisi parce qu’ils sont très illustrables. On le fait un peu comme un médiateur pourrait le faire, mais avec des codes réseaux sociaux en plus. »
« C’est l’image de la ville qui est en jeu, explique Pierre Labrunie pour la ville de Bergerac. Si on essaie d’être léger, le but reste bien de donner de l’information et d’être pertinent ».
Du côté de la ville de Tours, on confirme aussi l’importance d’opter pour des sujets légers.
C’est l’image de la ville qui est en jeu. Si on essaie d’être léger, le but reste de donner de l’information et d’être pertinent.
Pierre Labrunie, ville de Bergerac
« L’important, c’est déjà de choisir des sujets que l’on maîtrise, sur lequel on n’a pas de lacunes. Et plutôt des sujets légers, qui se prêtent mieux à l’incarnation. Sur des sujets sensibles ou stratégiques, je recommande de plutôt faire appel à l’élu. »
D’ailleurs, pas nécessaire que ce soit le CM qui prenne la parole. Un journaliste de la communication, un collègue des services un peu « bon client » peut tout à fait jouer le jeu.
« Faites-le uniquement si vous en avez envie, résume Anne-Sophie Ply. Il y a plein d’autres voix qui peuvent prendre la parole, du côté des habitants, dans les services. »
Peu importe qui passe devant la caméra, le tout est de connaître et utiliser les codes. « Le langage corporel est très important, analyse Sylvain Gibey. L’avantage, c’est que le CM connaît ces codes : ne pas être statique, savoir poser sa voix, bien regarder la caméra. Dans le cas où c’est un autre profil qui prend la parole, il faut peut-être envisager une formation ».
Gare au « fonctionnaire bashing »
Mettre le CM sur le devant de la scène n’est pourtant pas sans risque. Pas forcément un risque politique. Même si les équipes que nous avons rencontrées confirment l’importance d’être en confiance avec son cabinet et les élus pour se lancer dans une telle démarche. « On leur montre régulièrement nos vidéos, explique Pierre de la ville de Bergerac. Ils ont une vision très positive de ce que l’on vient proposer mais surtout une confiance absolue. »
« Il n’y a pas de concurrence entre le politique et la prise de parole du CM. Il faut l’un et l’autre, explique Sylvain Gibey, qui a cependant fait valider, exemples à l’appui, son intention avant de se lancer. »
Comme souvent sur les réseaux sociaux, le risque se situe plutôt au niveau… des utilisateurs.
Sylvain Gibey se souvient ainsi d’une vidéo où il y a eu un déchaînement de commentaires. « Ça, c’est dur, il faut savoir se protéger. »
« J’aime tellement ce que je fais que quand je vois un commentaire négatif sur 70, je suis capable de très mal le vivre, confesse Pierre Labrunie. »
« Le risque, c’est le fonctionnaire bashing, complète Anne-Sophie Ply. C’est des commentaires qui peuvent nous toucher, ça fait peur quand ça monte. C’est pour cela qu’il ne faut pas incarner sur des sujets trop pourvoyeurs de commentaires ».
Mais inversement, nos trois CM recoivent souvent des retours très positifs. « Par moment, on nous interpelle dans la rue en nous disant ‘’ Vous me faites marrer. Continuez comme ça’’ ! » « Un jour, on m’a lancé ‘’j’aime pas la mairie, mais j’aime bien ce que vous faites’’ ».
Conseils pour des vidéos incarnées réussies
- Ne vous forcez pas : allez seulement si vous en avez envie !
- Ne soyez pas seul ! Montez un binôme, pour relire vos textes et vous donner un avis sincère sur vos prestations.
- Équipez-vous : micro cravate ou micro dynamique avec bonnette !
- Commencez par des voix off, le temps d’apprendre à trouver votre ton !
- Préparez bien votre script avant d’y aller.
- Soyez sympathique, souriant, et jouez sur votre singularité. C’est l’image de votre collectivité que vous renvoyez !