
Damien : Bonjour, bienvenue dans le podcast de l’Observatoire comme public numĂ©rique, pour parler communication, numĂ©rique, action publique, mais surtout intelligence collective.
Je suis Damien, votre guide pour cet Ă©pisode. Aujourd’hui, nous allons Ă la rencontre de Johanna, responsable de la communication numĂ©rique de la ville de CrĂ©teil dans le Val-de-Marne, elle va nous parler de l’importance du collectif pour rĂ©ussir ses projets de communication, mais aussi d’IA et de communication responsable. Bonne Ă©coute !
Bonjour Johanna, merci de m’accueillir. Est-ce que tu peux prĂ©senter ton parcours professionnel s’il te plaĂźt ?
Johanna : J’ai fait une licence professionnelle des communications avec une option spĂ©cialisĂ©e dans les collectivitĂ©s territoriales.
Donc finalement, mon parcours a Ă©tĂ© rapidement dĂ©cidĂ© Ă partir de ce moment-lĂ . J’ai commencĂ© Ă travailler au sein du dĂ©partement du Val-de-Marne. C’est ma premiĂšre expĂ©rience en communication numĂ©rique. Je travaillais au sein du service multimĂ©dia, comme ça s’appelait Ă l’Ă©poque.
J’ai commencĂ© comme assistante multimĂ©dia, ensuite je suis passĂ©e Ă la rĂ©daction d’articles. J’ai Ă©voluĂ© comme chargĂ©e de projet, oĂč je m’occupais plus spĂ©cifiquement des projets numĂ©riques.
AprĂšs une dizaine d’annĂ©es au dĂ©partement, j’ai changĂ© de collectivitĂ© pour atterrir Ă la mairie de CrĂ©teil, en tant que chef de projet en communication numĂ©rique Ă©galement. Ăa a durĂ© seulement quelques mois avant que je reprenne le service, et ça fait maintenant trois ans que je suis responsable du service de communication numĂ©rique et interne.
Damien : Dans ta mission quotidienne, qu’utilises-tu pour trouver de l’inspiration, pour mener Ă bien ta mission ?
Johanna : Pour trouver de l’inspiration, la plupart du temps, je m’appuie surtout sur le collectif. Pour trouver de l’inspiration, j’ai besoin d’Ă©changer, de faire rebondir des idĂ©es. Souvent les meilleurs projets, les meilleures campagnes de com partent souvent d’une idĂ©e un peu bĂȘte, un peu lĂ©gĂšre qu’on va lancer Ă ses collĂšgues, et qui fait un peu boule de neige, on rebondit dessus et ça devient un vrai projet. Ăa part parfois d’une idĂ©e qu’on considĂšre comme pas ouf, qui va se transformer en quelque chose de qualitatif, grĂące aux Ă©changes avec les collĂšgues, chacun qui a sa propre perception de l’idĂ©e, qui vient avec ses propres compĂ©tences, sa propre vision du projet. Et moi, c’est vraiment de ces Ă©changes-lĂ qui peuvent ĂȘtre soit formels, parce qu’on fait une rĂ©union brainstorm par exemple, ou mĂȘme informels, Ă la machine Ă cafĂ©, ou autour du dĂ©jeuner du midi, oĂč on va Ă©voquer tel projet. Et c’est peut-ĂȘtre Ă ces moments-lĂ oĂč on laisse un peu plus notre garde tombĂ©e, oĂč on arrĂȘte de s’auto-censurer, oĂč on arrĂȘte d’ĂȘtre dans notre quotidien trĂšs procĂ©dure, collectivitĂ©, oĂč on lĂąche un petit peu peut-ĂȘtre les notes de cadrage, les validations, oĂč lĂ , on a vraiment la crĂ©ativitĂ©.
Ăa fait ressortir un peu la crĂ©ativitĂ©, et ça, je pense que c’est, quand je manque d’inspiration, ça va ĂȘtre un peu une de mes techniques, c’est-Ă -dire que je vais demander de l’aide aux collĂšgues : « ça, qu’est-ce que vous en pensez ? » Et avoir un point de vue extĂ©rieur, faire rebondir les idĂ©es, je pense que c’est ce qui m’aide le plus Ă trouver de l’inspiration que je n’aurais pas eue seule finalement.
Damien : Et du coup, quand tu parles avec tes collĂšgues, ce sont des questions dont tu parles en interne ou en service com’, ou est-ce que c’est aussi en externe avec d’autres services ou avec d’autres acteurs qui pourraient intervenir ?
Johanna : La plupart du temps, plutĂŽt en interne, parce que c’est plutĂŽt ça dont on a l’habitude, parce qu’on a confiance, on connaĂźt comment les collĂšgues, on sait qu’ils vont nous donner des bonnes idĂ©es, donc gĂ©nĂ©ralement plutĂŽt en interne, mais ça peut arriver effectivement d’avoir des discussions avec d’autres collĂšgues de services extĂ©rieurs, mais qui, eux, de leur cĂŽtĂ©, ont leurs propres idĂ©es, qui ont entendu dire dans la collectivitĂ© d’Ă cĂŽtĂ©. Ăa peut venir aussi de l’extĂ©rieur, mais on va dire que la plupart du temps, c’est quand mĂȘme, voilĂ , c’est peut-ĂȘtre plus entre personnes de la com, oĂč on a l’habitude de faire ces Ă©changes, et c’est un peu façon brainstorming, mais qui peuvent ĂȘtre faits de façon nettement plus dĂ©tendue.
Damien : Donc tu trouves que les maniĂšres de faire, moins institutionnelles dans ton cas, sont plus efficaces ?
Johanna : En tout cas, c’est plus crĂ©atif, je trouve. Est-ce que c’est plus efficace ? Je ne sais pas. En termes de temps, peut-ĂȘtre que, voilĂ , on va estimer que la pause dĂ©jeuner a pris deux heures parce qu’on a brainstormĂ© sur tous les projets. En tout cas, c’est sĂ»r, c’est plus crĂ©atif. C’est lĂ oĂč on va partir dans des chemins sur lesquels on ne serait pas du tout parti si on avait l’ordinateur en face des yeux, le tĂ©lĂ©phone qui sonne et qu’on est pris dans notre quotidien. Une fois qu’on a lĂąchĂ© un peu la bride, qu’on est tous un peu plus dĂ©tendus, je trouve que la crĂ©ativitĂ© est dĂ©cuplĂ©e dans ces moments-lĂ .
Damien : Dans tes missions, dans ton travail quotidien, quelles sont les valeurs ou l’aspect le plus essentiel que tu trouves le plus important pour pouvoir mener Ă bien tes missions ?
Johanna : Quand je pense que mon inspiration est un peu bloquĂ©e, que je manque d’idĂ©es nouvelles, on va dire, je pense comme beaucoup de communicants publics, je vais me tourner vers d’autres collectivitĂ©s, mon rĂ©seau perso, mais aussi regarder ce qui se passe sur LinkedIn, quelles sont les nouvelles tendances, les nouveaux formats que les communicants utilisent. On a l’Observatoire Social MĂ©dia des Territoires, par exemple, qui propose quand mĂȘme un panel assez intĂ©ressant d’idĂ©es, Capcom Ă©videmment, tout ce qui permet de repĂ©rer les nouvelles tendances, d’essayer de s’inspirer d’autres collectivitĂ©s tout en l’adaptant Ă nos problĂ©matiques locales. Mais je pense qu’il y a des sites qui sont une source inĂ©puisable d’idĂ©es.
Damien : Merci pour ce retour d’expĂ©rience trĂšs intĂ©ressant. Maintenant, j’aimerais savoir ce qui te motive, ce qui t’anime, les valeurs qui sont importantes pour toi dans tes missions, dans ton quotidien.
Johanna : Je dirais que la valeur essentielle que j’essaye de garder en tĂȘte, c’est le sens de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Je pense que c’est ce qui nous guide, beaucoup d’entre nous, pour travailler dans les collectivitĂ©s locales, dans le service public. Mais je pense qu’on a parfois tendance Ă oublier un peu ce curseur.
Notre rĂŽle, c’est de rendre visible et comprĂ©hensible l’action publique auprĂšs des citoyens, des usagers. Et Ă force de lutter pour travailler en transversalitĂ©, parfois on a un sentiment d’inertie, parfois on a l’impression qu’on ne travaille pas forcĂ©ment tous dans la mĂȘme direction. Et je pense que ça peut pas mal nous user au quotidien. Donc, j’essaye de garder ce cap de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. C’est un peu mon mantra, lequel j’essaye de fixer quand les journĂ©es sont dures.
C’est l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, c’est pour ça qu’on est lĂ et on essaye de faire chacun au mieux. On a beau essayer d’ĂȘtre crĂ©atif, d’ĂȘtre efficace, on a tout ça. Et je pense qu’on a un mĂ©tier dans lequel on peut vraiment s’amuser. Et en ça, je pense qu’on aura beaucoup de chance. Mais voilĂ , quand les choses sont moins faciles, on garde le cap de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
Damien : Si tu avais des conseils à donner à une personne qui souhaite postuler sur un poste de communication numérique en collectivité, quels seraient ces conseils ?
Johanna : Alors, si j’avais des conseils Ă donner, j’en aurais deux. DĂ©jĂ , c’est de rester curieux. C’est un univers qui change trĂšs vite. Ce mĂ©tier est en constante Ă©volution. Des nouveaux outils, des nouveaux usages, des nouveaux formats. Comme je dis souvent, moi, il y a dix ans, mon mĂ©tier Ă©tait complĂštement diffĂ©rent. Aujourd’hui, il y a des choses qui fonctionnent, elles ne fonctionneront plus demain. Donc, en fait, il faut en permanence apprendre, regarder ce qui se fait, se former. Ăa, je pense que c’est vraiment le plus important dans la communication numĂ©rique pour rester pertinent. Le deuxiĂšme conseil que je donnerais, ce serait de rester crĂ©atif. On en a dĂ©jĂ peut-ĂȘtre un peu parlĂ©, mais lĂ , comme c’est un mĂ©tier de crĂ©ation, mĂȘme en collectivitĂ©, je pense qu’il faut garder un peu cette Ă©tincelle au milieu des plans de communication, au milieu des rĂ©tro-planning, au milieu des urgences, au milieu des validations. Si on perd la notion mĂȘme de ce qu’est la com’, le mĂ©tier devient vite rĂ©pĂ©titif et il devient vite chiant. Notre mĂ©tier, c’est d’inventer, c’est de raconter des histoires, c’est d’inventer des messages. Et ça, je pense que c’est vraiment ce qui fait complĂštement toute la diffĂ©rence.
Ce qui va faire la diffĂ©rence Ă la fin, avec comment le message est perçu, comment les usagers reçoivent les informations qu’on leur envoie. Donc ça, si j’avais deux conseils, ce serait vraiment ces deux-lĂ .
Damien : Merci, Johanna, pour ce partage professionnel trĂšs intĂ©ressant. Maintenant, j’aimerais qu’on se projette un peu Ă dix ans. Tu en as parlĂ© un peu tout Ă l’heure sur les dix derniĂšres annĂ©es. J’aimerais que tu nous partages ta vision dans dix ans du mĂ©tier de communicant dans le sens large, mais aussi du communicant numĂ©rique.
Johanna : Si je devais me projeter dans dix ans, comme je l’ai dit, Ă mon avis, le mĂ©tier ne ressemblera pas beaucoup Ă ce qu’on fait aujourd’hui. Je pense qu’il y a Ă©videmment l’IA qui va bouleverser un peu nos pratiques et probablement les pratiques des usagers Ă©galement. Donc ça, ça va ĂȘtre, je pense, quelque chose qu’il va falloir bien garder en tĂȘte et faire attention Ă comment on l’utilise. Garder un cadre Ă©thique lĂ -dedans. Je pense que ça va ĂȘtre des discussions assez intĂ©ressantes sur les prochaines annĂ©es.
En challenge, je vois aussi la lutte contre la dĂ©sinformation. Je trouve qu’on commence dĂ©jĂ Ă voir un peu aussi dĂ©jĂ dans les collectivitĂ©s locales, sur la dĂ©sinformation locale. MĂȘme, je pense qu’effectivement, l’IA commence dĂ©jĂ Ă atteindre un peu cette problĂ©matique.
Mais ce que je voudrais aussi aborder, c’est la communication responsable. J’ai l’impression qu’il y a une attente croissante pour pousser la sobriĂ©tĂ©, l’inclusion, tout ce qui est l’engagement Ă©cologique et social. Quand on refait, par exemple, un nouveau site, on rĂ©flĂ©chit Ă toutes ces nouvelles questions. Quand on lance une requĂȘte d’IA, on rĂ©flĂ©chit aussi. Est-ce que, Ă©cologiquement, ça vaut le coup ? Donc, il y a une Ă©norme attente, je trouve, d’avoir une communication responsable, ce qui est pourtant, en opposition avec ce qu’on nous demande. Des formats de plus en plus visuels, les nouvelles tendances qui sont vidĂ©os, qui sont en complĂšte opposition avec ce sur quoi on est censĂ© tendre. Donc, ça, je pense que c’est des questions qu’on va devoir pousser et voir dans quel sens on va sur les prochaines annĂ©es.
Damien : Est-ce que tu as un mot pour terminer cet entretien ?
Johanna : Venez travailler en collectivitĂ©. On a des beaux projets, des belles Ă©quipes et puis ça reste un mĂ©tier d’avenir.
Damien : Et c’est ainsi que nous renfermons cet Ă©pisode des Rencontres de l’Obs. Nous espĂ©rons que ces Ă©changes vous auront Ă©clairĂ© sur les enjeux, les dĂ©fis et les innovations au cĆur des relations entre les institutions et les citoyens. La communication publique est le moteur essentiel de la confiance dĂ©mocratique et de l’efficacitĂ© de la fonction publique. Ă bientĂŽt.